Violences conjugales : “Si un jour, vous me retrouvez morte chez moi, ce ne sera surtout pas un suicide…” 

30 décembre 2025 | Réci'lience | 1 commentaire

Cet article fait partie de Réci’lience, ma série de récits où des femmes et des hommes partagent un moment de leur vie où ils ont dû se relever. Ici, tu trouveras une histoire vraie, simple, humaine, comme un partage entre nous.

Aujourd’hui, je te partage le témoignage de Chris, 52 ans, célibataire, maman de quatre enfants et grand-mère d’un petit garçon.

Elle a traversé une épreuve douloureuse et silencieuse : des années de violences conjugales (verbales et psychologiques), qui laissent des traces profondes et bouleversent une vie.

Malgré la peur, malgré l’emprise, Chris a trouvé la force de partir et de se reconstruire. Soutenue par ses proches, elle travaille aujourd’hui dans son nouveau métier et reprend goût à la vie, pas à pas.

« Je me suis toujours dit que je ne me laisserais ni commander ni diriger ma vie par un homme. »

Peux-tu nous dire dans quel moment de ta vie tu te trouvais quand cette relation a commencé ?

Lorsque cette relation a commencé, je suis seule depuis quelque temps et je me dis : maintenant, c’est bon, je reste comme ça, c’est très bien. Je ne cherche rien de particulier ni personne. Je fais ma vie à moi, avec mes enfants et mes amis.

À ce moment-là, est-ce que tu imaginais un jour devoir partir pour te protéger ?

Jamais. Jamais de ma vie je n’aurais cru me retrouver dans une telle situation. Je me suis toujours dit que je ne me laisserais ni commander ni diriger ma vie par un homme. J’ai vu cela autour de moi dans ma jeunesse, et il était impossible pour moi qu’une chose pareille puisse m’arriver.

L’installation des violences conjugales

Comment décrirais-tu les violences que tu as subies ?

Les violences que j’ai subies sont des violences psychologiques et verbales. Une seule fois, il m’a pris le menton assez fort, mais c’était la seule violence physique que j’ai subie. Et fort heureusement, puisque les violences psychologiques étaient d’une telle ampleur que ça aurait été invivable d’avoir des violences physiques en plus.

Les personnes qui ont subi des violences psychologiques sont très marquées, puisque ce sont des mots et des paroles qui vous marquent au plus profond de vous et vous laissent des traces à vie. C’est encore plus fort que des coups.

Il faut en parler aussi, mais il y a le côté relation sexuelle qui est très important dans ce processus de faire du mal.
Pour faire court et ne pas vous être malaisante, mais quand votre partenaire vous met une telle pression, à un moment donné, vous n’avez tellement plus la force et le courage de défendre votre position que vous vous abandonnez et le laissez faire pour avoir la paix. Je me disais que ce n’était qu’un mauvais moment à passer et qu’il finirait, à un moment donné.

⚠️ Ce qui vient d’être décrit n’a rien de normal : il s’agit de viol conjugal.
Même lorsque le refus n’est pas formulé clairement, la pression psychologique, la peur et l’épuisement poussent à céder sans rien dire. Cela reste une agression.

Est-ce que cela s’est installé progressivement, presque sans que tu t’en rendes compte ?

Au départ, et même avant notre relation, il était sensible, attentionné, tendre.
Effectivement, pour le coup, je ne vois pas le stratagème s’installer : ça prend place insidieusement, petit à petit, au fil des mois puis des années. Cette personne implante le mal dans notre relation au fur et à mesure du temps.

J’ai pourtant posé les règles dès le départ de notre relation : pas de disputes, pas de conflit ni de jalousie, je déteste ça. Ce qui compte, c’est le dialogue. Nous avions chacun notre passé et, pour moi, c’est OK. Ce qui est important, c’est le présent et ce qu’on va en faire. Nous sommes des adultes responsables, on sait ce qu’il faut faire. Mais lui n’a pas la même vision des choses.

Alors ça commence petit à petit : « À qui tu écris sur ton téléphone ? Pourquoi tu as mis tout ce temps pour rentrer ? Tu as mis trop de parfum, pourquoi tu ne passes pas plus de temps avec moi ? On ne fait jamais rien, tu fais exprès d’avoir cette maladie… »

La toile commence à se tisser autour de moi.

Ce sont des reproches, des brimades, constamment. Tout est toujours de ma faute. Parfois, nous restions deux ou trois jours sans nous parler et, un matin, il pointait son nez comme si rien n’était arrivé. Ça m’énervait au plus haut point. Mais il revenait tout tendre, tout gentil. Quel piège…

Sur les derniers temps, ce qui est très difficile à vivre, c’est que je suis une formation pour une reconversion due à des problèmes de santé. Et chaque jour que je rentre de la formation, je me dis : « Dans quel état il va être ? Qu’est-ce que je vais me prendre comme paroles ? Comment ça va se passer ? »

Tous les jours, je suis stressée et j’angoisse. C’est compliqué de rester concentrée sur les cours.

Combien de fois j’ai essayé de lui parler, de le comprendre, de lui dire qu’il faut qu’il exprime ce qui ne va pas au fond de lui ? Mais au bout de quatre ans et demi, et même avant, je comprends que je ne peux rien y faire, rien y changer, et qu’il faut que je me protège.

En fait, son but est de me détruire pour que lui se sente bien. Il a besoin de puiser ma force et mon énergie pour enfin vivre pleinement. Puisqu’au fond de lui, il veut être fort, mais n’en a pas le courage ni l’énergie.

Y a-t-il eu des moments où tu sentais que quelque chose n’était « pas normal », sans réussir encore à mettre des mots dessus ?

Avec le temps qui passe, je me dis quand même que c’est particulier comme relation. Je sais qu’il a eu des problèmes dans sa vie et que, par moments, on peut avoir un mal-être en soi qui fait qu’on n’a pas toujours un caractère agréable vis-à-vis de l’autre. Mais plus le temps passe, plus ça devient lourd et pesant.

Un exemple qui m’a frappée : un jour, j’emmène ma fille à l’hôpital pour un rendez-vous (ce que je fais régulièrement et qu’il sait). Pour le rassurer (parce qu’il faut constamment le rassurer), je lui dis que si tout se passe comme prévu, je suis là à telle heure. Et encore, je prends un peu de marge au cas où. Mais comme tout le monde le sait, à l’hôpital, ce n’est pas réglé comme une horloge. Le temps a tourné et je rentre plus tard que prévu.

Que n’ai-je pas fait là. Déjà, tout le long du trajet du retour, je stresse à l’idée de rentrer, même après lui avoir envoyé un message. Je sais que je vais prendre cher.

Je suis littéralement outrée par sa réaction. Comment me reprocher ce retard imprévu, surtout vis-à-vis de ma fille ? D’autant plus qu’il sait que mes enfants sont tout pour moi et qu’ils passent avant tout. Alors j’en ai pris plein les oreilles, pour être polie… Je vous épargne la suite.

« Moi qui suis de nature optimiste, […] je m’efface au fur et à mesure que le temps passe. Je ne suis plus la moi d’avant. »

Quand la violence a commencé à s’installer, as-tu réussi à en parler à quelqu’un ?

On pense qu’on ne peut pas parler aux gens, surtout aux proches.
C’est compliqué, puisqu’ils voient votre partenaire comme quelqu’un de gentil, adorable, la main sur le cœur avec les autres. Puisque ça aussi, ça fait partie du processus d’appropriation de la personne à détruire : se faire passer pour quelqu’un de gentil, aimable et prêt à rendre service auprès des proches de la victime.

Avec le temps, il fait aussi en sorte de vous éloigner de vos proches, pour avoir complètement la mainmise sur vous et vous empêcher de vous faire influencer par les autres, au cas où ils verraient quelque chose dans son comportement avec vous.

Qu’est-ce qui t’empêchait de parler ?

Oui, la honte est la première chose qui nous tient. Comment ai-je pu me laisser entrer dans cet engrenage sans rien faire et sans essayer d’en sortir ? Je me dis que les gens vont me dire ça.

Je minimise aussi peut-être un peu la situation.
J’ai peur d’être jugée, peur que les gens ne comprennent pas ma situation et peur de perdre mes proches, et surtout peur de perdre l’amour de mes enfants, parce que peut-être ils ne vont pas me croire.

Comment vivais-tu ce silence au quotidien ?

Moi qui suis de nature optimiste, toujours souriante, qui voit les bons côtés de la vie, qui va toujours de l’avant, et bien avec lui, je m’efface au fur et à mesure que le temps passe. Je ne suis plus la moi d’avant.

Il est paranoïaque, jaloux, possessif, sans aucune confiance en moi, il est odieux…
Je me demandais : comment puis-je me sortir de là ?

Je survis. Je fais semblant devant les autres, alors qu’au fond de moi j’avais envie de crier : « Regardez, ouvrez les yeux, aidez-moi. »

Mais je ne peux pas, je n’y arrive pas. Alors je me laisse aller dans le côté sombre qu’il fait de moi. Un jour, devant mon miroir, je me suis dit : « Si c’est ça la vie que je dois vivre avec lui, je ne vois pas l’intérêt de continuer à vivre. »

Mais de suite, mes enfants me viennent à l’esprit. Je me dis que je ne peux pas leur infliger ça. Ils ne sont en rien responsables de ma situation. Alors je tiens encore et encore.

« Nous sommes le 15 août 2024. Je me dis : ça y est, je suis libérée de ce tyran. »

Qu’est-ce qui t’a fait comprendre qu’il fallait partir ?

Dans un premier temps, un jour, je passe voir ma fille et mon gendre et je décide de leur parler. 

Je leur dis : “Si un jour, vous me retrouvez morte chez moi, ce ne sera surtout pas un suicide, c’est lui qui m’aura fait ça.”  Je m’en veux de leur dit ça comme ça, mais il faut que ça sorte. 

Il m’a toujours dit :
« Si un jour tu me trompes, je te tue. Avec de la chaux, on peut faire disparaître un corps. Et c’est facile de faire passer un accident avec une bouteille de gaz. »

Donc, après une énième dispute, sur fond d’alcool pour lui, parce que bien sûr monsieur boit aussi beaucoup. Ça le désinhibe. On le sait : « L’alcool, ça rend fort et puissant. On est un vrai bonhomme avec ça. »

Il sort de chez lui, parce qu’on a chacun son chez-soi, et ça, j’y tiens absolument depuis le départ. Surtout, rester indépendante. Peut-être qu’au fond de moi, je savais.

Donc il sort de chez lui et, par sa porte, il me dit : « C’est fini entre nous, tu me laisses quinze jours et je pars. »
Ah, l’alcool et ses pouvoirs…

Parce qu’à plusieurs reprises, après des disputes et des mots très durs, je lui disais : « Eh bien vas-y, pars, qu’est-ce que tu attends ? »

Nous sommes le 15 août 2024. Je me dis : ça y est, je suis libérée de ce tyran.

Mais avant cela, auparavant, j’avais pris la décision d’arrêter cette situation en décembre 2024 si rien ne bougeait.
Mais avant, il fallait que je termine ma formation. C’était compliqué, mais je tenais à la finir. C’était important pour moi.

Même si parfois, il me reproche très souvent de passer trop de temps à réviser et pas assez à m’occuper de lui.
Parce que monsieur souhaite passer ses journées entières à vouloir « baiser », comme il aime dire.

Je lui avais même demandé une fois :
« Est-ce que même si on le faisait quinze fois par jour, je suis sûre que ce ne serait encore pas assez ? »
Il m’a répondu : « Non, ce ne serait pas assez. »
Il était insatiable.

Je me suis donc dit : « Cool, dans quinze jours, tu es tranquille. » Eh bien non, ce n’est pas si simple que ça.

Monsieur ne bouge pas, il continue les embrouilles. J’appelle même une amie dont le conjoint est gendarme pour prendre conseil auprès de lui en expliquant la situation.

Le 24 août 2024, à la suite d’une très forte dispute avec « l’autre » (c’est le mot que je lui attribue pour ne plus le nommer, il ne le mérite pas), je croise, au magasin, un ami de longue date (heureuse synchronicité pour moi) et je lui raconte la situation. Je tremble et je ne suis vraiment pas bien.

Il me dit d’appeler sa femme, qui est une copine d’école, et ils me disent de venir chez eux et de partir d’où je suis, car c’est trop dangereux. Ce jour-là, je vais manger chez un de mes fils avec mes autres enfants et je leur raconte également la situation, les menaces, etc.

On mange comme on peut, et surtout, je veux me calmer avant de retourner là-bas. Puis on part chercher mes affaires et enfin, je le quitte, lui et cet endroit, définitivement.

Peux-tu nous dire ce qu’il s’est passé en toi à cet instant ?

À ce moment-là, j’ai eu une très grande peur, mais en même temps un énorme soulagement. De voir que je suis très bien entourée et soutenue par ma famille et mes amis me réconforte.

Me dire que c’est terminé et qu’il n’aura plus aucun impact sur moi me fait du bien. Ce qui est faux, car le vécu reste, ainsi que la peur et les angoisses.

Quel rôle ont joué tes proches dans ce déclic ?

Ils me croient tout de suite et me font agir directement pour que je ne reste plus dans cette situation.

Parce que je pense aussi que si je n’agis pas sur l’instant, peut-être que je peux changer d’avis. Même si je ne souhaite pas revenir en arrière. Mais il avait un tel pouvoir sur moi à ce moment-là qu’il valait mieux agir et ne pas réfléchir.

Mes enfants et mes amis me disent qu’ils sont là pour moi et me le prouvent.

Le moment de partir

Partir, ce n’est jamais simple. Qu’est-ce qui a été le plus difficile au moment de faire ce choix ?

De me dire que l’endroit où j’étais, c’était à moi d’y rester et non à lui. Que c’est moi la victime, que ce n’est pas à moi de fuir, normalement.

De me demander ce qui va arriver ensuite. Qu’est-ce qu’il va me faire ? Et en même temps, la peur qu’il arrive quelque chose à ma famille aussi.

J’ai toujours fait passer mes enfants avant moi et fait de mon mieux avec ce que je pouvais leur apporter. Et par ma faute, il peut leur arriver quelque chose.

Et au contraire, qu’est-ce qui t’a donné la force de tenir les premiers jours ?

La première semaine, je ne suis pas seule. Je suis chez des amis et j’ai également le soutien de mes enfants, qui, je pense, sont soulagés que tout cela se termine.

Te souviens-tu du moment où tu t’es dit : « J’ai bien fait » ?

Le moment où je me suis dit : « J’ai bien fait », c’est ce fameux jour du 24 août 2024, où je me dis : « Ça y est, j’y suis arrivée, c’est terminé. J’ai enfin eu le courage. »

Et aussi parce que je sais que je ne suis pas seule. Je suis aidée et encouragée à le faire.

« Je crois qu’en partant, tout est enfin fini. Mais non, malheureusement, il y a tout un travail à faire. »

Après être partie, tu as commencé à parler. Comment s’est fait ce chemin vers la parole ?

Pas facile ni simple au départ. Alors je parle d’abord à mes enfants, puis à mes amis. Je commence à être plus explicite sur la situation. Et la réaction des gens est de dire qu’ils n’auraient jamais pu penser ça.

Qu’est-ce que cela t’a apporté, de ne plus porter tout cela seule ?

Ça fait du bien, ça soulage, mais à ce moment-là, je sens que ça ne va pas être si simple de remonter la pente finalement. Je crois qu’en partant, tout est enfin fini. Mais non, malheureusement, il y a tout un travail à faire.

Est-ce que le regard des autres a été différent de ce que tu redoutais ?

Oui, il l’a été et dans le bon sens. On ne m’a pas jugée, on m’a écoutée, ils ont été présents. Et c’est important pour moi de savoir qu’ils sont présents. 

La reconstruction

Comment se reconstruit-on après des années de violences verbales et psychologiques ?

Alors ça, ça va être un long processus.
Même aujourd’hui, après un an et demi de ce fameux jour de libération, j’ai encore des moments où j’y repense.
Au départ, quand j’allais au travail, et même toujours aujourd’hui, je regarde régulièrement les véhicules pour voir s’il n’est pas dans les parages.

Une semaine après être partie, j’ai réussi à trouver un endroit où me loger, qui est d’ailleurs toujours provisoire aujourd’hui.
Mais seuls mes enfants et mes amis très proches savaient où j’étais.

Parce que le monde est très petit, et comme un tel connaît un tel qui vous connaît, le bouche-à-oreille peut aller très vite.
Je ne veux surtout pas que « l’autre » me retrouve.

Donc je gare ma voiture de façon à ce qu’on ne la voie pas. Je fais attention à qui pourrait me suivre. J’ai bloqué son numéro sur mon téléphone pour ne plus être dérangée par lui.

Un jour, je l’ai vu dans un magasin. J’ai eu une grosse boule au ventre et je me suis cachée dans les rayons pour ne pas qu’il me voie et m’attende à la sortie.

Au départ, j’ai énormément de colère.
Ce n’est pas normal qu’après avoir subi tout cela, il faille encore que je me cache et que je ne vive pas correctement, alors que lui vit normalement, comme si rien n’était arrivé. Il n’a pas à se cacher, lui.

Quelles ont été les premières petites choses que tu as faites pour toi ?

J’ai essayé de profiter pleinement de chaque instant en me disant que ça ce sont des bons moments. Que c’est ça, la vraie vie. 

Je peux enfin aller voir qui je veux, quand je veux. Surtout que mon petit-fils est arrivé cette année-là.  Je suis tellement heureuse de devenir mamie. 

As-tu redécouvert une femme que tu avais mise de côté pendant longtemps ?

Oui et depuis peu. Parce que pendant un très long moment, mis à part mes proches et mes amis, je n’avais absolument confiance en personne. Ça revient doucement. 

Je peux enfin faire ce dont j’ai envie, vraiment, sans me soucier de savoir si ça va déranger l’autre ou pas. Je ne me pose plus de questions, je fais ce qui me plaît et me fait du bien. 

La résilience

Où as-tu trouvé la force de te relever après tout cela ?

Pour mes enfants et mon petit-fils.
On se doit d’être présent pour eux, mais surtout d’être présent de façon heureuse.

Si je suis bien dans ma peau, dans ma tête et heureuse, alors ce que je dégage pourra résonner aussi auprès d’eux, et s’ils sont heureux, je serai heureuse aussi.

Et parce que j’ai déjà vécu des choses compliquées par le passé et que je me suis toujours relevée. Donc je me suis dit que là aussi, je pouvais y arriver.

Il faut que j’accueille l’aide que mes proches me proposent. Mais aussi trouver de l’aide auprès de personnes neutres, qui peuvent m’apporter des réponses aux questions que je me pose, et qui peuvent m’aider à avancer.

As-tu traversé des moments de doute, de culpabilité, ou même de fatigue morale ?

Oui, bien sûr. Malheureusement, j’ai traversé des moments de doute, de culpabilité aussi. Pourquoi ai-je été faible, etc. ?

Mais je sais maintenant que ce n’était pas une faiblesse de ma part. Parfois, je suis bien et, d’un coup, il (l’autre) arrive dans ma tête, avec ses mots, ses paroles, le vécu que j’ai eu.

Je me dis : pourquoi ça m’est arrivé ? Pourquoi je n’ai pas agi avant ? Mais avec le temps, je pense que je dois avancer sans ressasser un passé que je ne peux pas changer.

Qu’est-ce qui t’a aidée à continuer malgré ces vagues-là ?

Eh bien, que malgré toutes les difficultés que la vie met sur notre chemin, la vie est belle et vaut d’être vécue pleinement, sans se laisser envahir par les mauvais moments.

Il faut toujours voir le verre à moitié plein, c’est toujours plus gratifiant et ça apporte de l’énergie positive. Ça nous aide à avancer dans le bon sens, vers de belles choses.

Aujourd’hui, comment définirais-tu la résilience avec ton vécu ?

Que cette résilience est une sacrée force dans la vie, si on sait la mettre en place. On a tous des moments dans la vie où c’est compliqué.

Pour ma part, à chaque fois qu’une épreuve arrive, forcément, au départ, je suis très mal.
Mais le temps faisant son travail, et après mûres réflexions, remises en question sur moi-même, et en tirant les leçons du passé pour ne pas les reproduire, je me rends compte que cette résilience me donne une telle force que ça vaut le coup de me battre pour m’en sortir.

J’ai une chose qui m’aide à évacuer les éléments qui m’ont marquée : c’est de me faire un tatouage en lien avec cet événement, ou plutôt avec le résultat positif du travail sur cet événement.

Donc j’ai en tête de faire un tatouage en rapport avec la résilience, qui me rappellera, à chaque fois que je le verrai sur moi, que je suis forte et que rien ne peut me détruire entièrement, mais plutôt me faire évoluer dans le bon sens.
C’est une sorte d’exutoire.

« Je travaille sur moi, avec l’aide d’une kinésiologue. »

Comment vas-tu aujourd’hui, émotionnellement ?

Ça va mieux. C’est de moins en moins présent dans ma tête, mais sans l’occulter.

Je travaille sur moi, avec l’aide d’une kinésiologue (grâce à ma fille 😉 qui m’a parlé de ça).
J’ai essayé les psychologues, mais cette façon de travailler ne me convient pas. J’ai besoin d’avoir des réponses et des questions de leur part, alors qu’avec la kinésiologue, c’est plus direct, plus impactant. Ça me parle beaucoup plus.

Qu’est-ce qui a le plus changé en toi depuis que tu es partie ?

Je suis beaucoup moins stressée et angoissée. Je sais que je suis contente de rentrer chez moi.

Je suis heureuse parce que je peux voir et parler à mes enfants et à mon petit-fils quand je le veux. Et revoir mes amis quand je veux.

Et surtout, je vis les choses pleinement, comme si demain pouvait être le dernier jour. Je n’attends plus pour faire ce qui me plaît et faire ce dont j’ai envie. Comme s’il y avait urgence à être heureuse.

Est-ce que tu te sens plus alignée avec toi-même ?

Oui, je reprends confiance en moi au fur et à mesure du temps. Je redeviens plus optimiste, enjouée, heureuse. Je reprends possession de moi-même et de mon bien-être.

Quelle est ta plus grande victoire personnelle ?

Ma plus grande victoire personnelle est d’avoir su résister, de ne pas avoir sombré à cause de lui.
Finalement, c’est moi qui suis vraiment la plus forte, même s’il m’a fait beaucoup de mal.

Il n’a pas réussi à me détruire.

« Si vous sentez, au fond de vous, que quelque chose ne va pas, faites-vous confiance, écoutez-vous.« 

Avec le recul, qu’aimerais-tu dire aux femmes qui vivent des violences mais pensent que « ce n’est pas si grave » ?

Ce que je peux dire aux femmes et aux personnes qui subissent ces violences, c’est que si vous sentez, au fond de vous, que quelque chose ne va pas, faites-vous confiance, écoutez-vous.
Votre intuition et votre ressenti ont tout à fait raison.

Restez à l’écoute de votre corps. C’est hyper important.

À partir de quand peut-on dire que la violence commence ?

Quand la personne ne te respecte pas. Quand on ne tient pas compte de ton avis, quand tu dis non mais qu’on prend ça pour un oui. 

Que dirais-tu à celles qui ont honte ou qui n’osent pas demander de l’aide ?

Pour votre propre bien, osez faire ce pas vers quelqu’un. Allez-y.
On sait que ce ne sera pas simple de s’en sortir, mais ce sera toujours mieux que de rester avec une personne qui nous détruit.

L’important est de trouver la ou les personnes, ou les moyens, qui vous aideront à vous en sortir. Parce que oui, après ça, on revit. Ça met un peu de temps, mais véritablement, une nouvelle belle vie vous attend. Ça nous rend plus forts.

« Si les enfants, proches et amis constatent que la personne change […] posez des questions à ces femmes victimes. »

Que peuvent faire les enfants, amis ou proches pour aider une femme victime de violences ?

Si les enfants, proches et amis constatent que la personne change physiquement ou psychologiquement, surtout, posez des questions à ces femmes victimes. Discutez avec elle, mais sans que l’autre tyran soit là.

Si vous n’osez pas, discutez normalement et intégrez ça petit à petit dans la discussion. La femme victime ne vous dira peut-être pas directement ce qu’elle vit, mais assurez-lui que vous serez toujours présents pour l’écouter le jour où elle s’en sentira capable.

Et répétez-le régulièrement, dans les jours et les semaines qui suivent. Ça restera dans un coin de sa tête et, le jour où vraiment ce ne sera plus possible pour elle, elle saura qu’elle pourra venir vous voir et enfin se libérer de ce fardeau.

Qu’est-ce qui aide vraiment… et qu’est-ce qui peut, au contraire, faire taire encore plus ?

Ce qui aide vraiment, en tout cas pour moi, ce sont mes enfants. Même s’ils ne savaient rien, je savais qu’un jour je leur parlerais et que je ne pourrais pas disparaître et leur faire du mal de cette façon.

Ce qui fait taire encore plus, c’est le temps qui passe. Plus on met de temps, plus c’est compliqué de parler. Mais en même temps, l’urgence fait qu’on parle.

Et ce qui fait taire aussi, ce sont les discussions anodines entre collègues ou autres sur les couples. Les gens ne se rendent pas compte à quel point ça peut faire du mal. Mais ce n’est pas de leur faute puisqu’ils ne connaissent pas la situation.

Comme le dit l’adage : « On ne sait pas du tout ce qui se passe dans les chaumières une fois la porte fermée. »

Message de transmission

Si une femme lit ton histoire aujourd’hui et se reconnaît, quel serait ton message pour elle ?

Surtout, qu’elle garde confiance en elle malgré tout ce qu’elle peut vivre.

Ma kinésiologue m’a dit une phrase qui m’a fait un bien fou et m’a aidée à ne plus culpabiliser.
Je lui ai dit que j’aimerais ne plus avoir cette colère en moi par rapport à la situation que j’ai vécue et par rapport à lui, car je ne veux plus gaspiller mon énergie et mon temps à être en colère contre cet individu.

Je lui ai demandé pourquoi des personnes pouvaient être aussi mauvaises avec celles qui sont bonnes et gentilles.
Elle m’a répondu :

« En fait, vous savez, ces personnes néfastes recherchent des personnes fortes, qui savent gérer leur vie et sont heureuses, car eux, les néfastes, ne le sont pas. Ils voudraient être comme vous, mais n’y arrivent pas.

Alors, ils attirent dans leur filet ces fameuses personnes fortes pour ensuite leur prendre toute leur énergie, leur joie de vivre, leur force, et ainsi les détruire et les amener au même niveau qu’eux, leur prédateur.

Dites-vous que sans vous, au moment où vous l’avez rencontré, il n’était qu’une “grosse merde” et que maintenant que vous l’avez quitté, il l’est encore plus. Et pour libérer votre colère, imaginez-vous devant lui et lui mettre un bon gros coup de poing dans la figure. »

Je peux vous dire que sa phrase m’a fait un bien fou. 😁 Donc, quand parfois il m’arrive encore d’avoir de la colère, je repense à cette phrase. Ça me libère, c’est incroyable.

CROIRE EN SOI surtout, toujours garder dans un coin de sa tête cette force qui nous anime et fait qu’on peut s’en sortir pour de vrai.

Que voudrais-tu qu’elle comprenne, avant toute chose ?

Que c’est ELLE la plus forte. Que sans ELLE , il n’est rien.  Que cette situation n’est pas éternelle.  Que tout est possible. 

Qu’il y a forcément quelqu’un qui croit en ELLE. Et surtout ELLE DOIT CROIRE EN ELLE, EN SA FORCE. 

Un mot pour résumer ton parcours ?

Très chaotique, mais avec tellement de joie, de bonheur et de bons moments.

Je ne veux garder que les bons moments en tête, tout en sachant que les épreuves ont fait de moi ce que je suis maintenant : une belle personne qui mérite d’être aimée (une personne aimable), que l’on doit respecter et surtout m’aimer moi-même, m’apprécier comme je suis et vivre pleinement la vie.

Je remercie infiniment mes enfants, mon gendre et mes amis pour leur soutien et leur présence.
Je vous aime, vous le savez, je vous le dis souvent 😉😊

Et mon petit-fils, dont je suis gaga, et à qui je souhaite montrer tout ce qu’il y a de beau dans la vie et toutes les belles choses qu’on peut faire.

Avec de la patience et de la persévérance, on peut parvenir à tout si on le veut.

À travers son parcours, Chris nous rappelle que la résilience est une force précieuse sur le chemin de la reconstruction. Elle permet, peu à peu, de rallumer la lumière là où tout semblait éteint, et de réapprendre à goûter à la vie, un pas après l’autre.

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