Deuil périnatal : « Il me restait 15 jours avant mon congé maternité… »

7 décembre 2025 | Réci'lience | 0 commentaires

Cet article fait partie de Réci’lience, ma série de récits où des femmes et des hommes partagent un moment de leur vie où ils ont dû se relever. Ici, tu trouveras une histoire vraie, simple, humaine, comme un partage entre nous.

Aujourd’hui, je te partage le témoignage de Magalie, 48 ans, préparatrice de commandes, mariée et maman de deux enfants.
Elle a traversé une épreuve d’une immense douleur : le deuil périnatal. Une grossesse profondément désirée, un projet d’amour qu’elle construisait avec son mari, qui n’avait pas encore d’enfant.

Malgré le chagrin, malgré ce vide qui marque une vie, Magalie a puisé dans sa force intérieure et dans le soutien de ses proches. Pas à pas, elle a retrouvé le goût de vivre et choisi de savourer chaque instant avec une intensité nouvelle.

« Nous avions depuis toujours, l’envie d’agrandir notre famille recomposée. »

Peux-tu nous raconter un peu ta vie avant la grossesse ? Comment te projetais-tu ?

A cette période, j’étais déjà maman d’un garçon de 15 ans et d’une fille de 13 ans, nés d’une première union, puis remariée depuis 4 ans. Nous avions depuis toujours l’envie d’agrandir notre famille recomposée et de donner naissance à ce petit être qui serait le lien entre nous tous, d’autant que mon mari, lui, n’avait pas d’enfant. Mes enfants étaient ravis et se voyaient déjà avec leur petit frère ou leur petite sœur.

Alors qu’un an auparavant j’avais fait une fausse couche à 17 semaines, ce bébé était vraiment très attendu. Alors, lorsque je suis retombée enceinte, c’était vraiment magique, mon bébé arc-en-ciel était là, alors que je n’espérais plus vraiment, étant donné que j’étais à l’aube de mes 40 ans et que l’on nous rabâche sans cesse que cela est plus compliqué à cet âge.

Comment as-tu vécu cette grossesse dans ses premiers mois ?

Ma grossesse se déroulait à merveille : pas malade, pas fatiguée, je n’étais pas plus surveillée qu’une autre femme qui aurait été plus jeune. J’étais en pleine forme et je continuais à travailler normalement. Mon terme était prévu pour début octobre. Les premières échographies se déroulent normalement, nous apprenons que j’attends un petit garçon, je commence à le sentir bouger et interagir 🥰. On choisit son prénom, on préparait notre nid… Les enfants partent en grandes vacances, je leur dis que lorsqu’ils rentreront, il ne restera plus beaucoup de temps avant que bébé arrive.

« Le 19 juillet 2018 […] Cette date est gravée à jamais. »

Peux-tu nous raconter, ce qu’il s’est passé ?

Quelques mois passent, toujours avec les visites mensuelles de contrôle où tout se passe bien. Il me restait encore 15 jours avant mon congé maternité, jusqu’à la visite du 7ᵉ mois où je me rends seule, le 19 juillet 2018 exactement. Cette date est gravée à jamais.

Je me souviens que ma gynéco habituelle était en vacances et que c’est sa remplaçante, une jeune femme, qui me reçoit. C’est elle qui détecte une anomalie : après avoir mesuré mon tour de ventre, elle décide de faire une écho de contrôle. On entend bien le cœur, mais je n’ai plus assez de liquide amniotique. Je la sens paniquer, elle donne des coups de fil et je me retrouve en salle de naissance en panique. J’appelle mon mari pour qu’il me rejoigne. On m’examine, on me fait des injections pour la maturité des poumons. C’est très, très long, l’attente.

Mon mari arrive car je risque d’accoucher plus tôt que prévu. S’ensuivent des examens, d’autres échos, et on me fait comprendre que bébé a un problème rénal, et des deux côtés. On me questionne, on me fait dire que sans reins on ne peut pas vivre… Oui, on me fait comprendre et c’est à moi de mettre les mots dessus 🥹

Je suis en panique, mon mari me rassure, mais moi j’ai déjà compris. Je me demande si je vais accoucher ce jour-là. Et en même temps je sens mon bébé bouger et me donner des coups : il est bien là, bien en vie, mais il ne survivra pa

Finalement, je n’accoucherai pas ce jour-là. On me redirige au CHU de Nantes, où il y a des spécialistes. Nous avons rendez-vous le 25 juillet. Et là, on nous explique que notre petit est atteint d’une maladie génétique : la polykystose rénale autosomique récessive. Pour faire court, nous avons tous les deux un mauvais gène que nous avons chacun transmis à notre enfant. Cela n’a rien à voir avec mon âge au moment de la grossesse, j’ai posé la question. Le problème peut survenir à n’importe quel moment, et il y a 25 % de “malchance” que cela se reproduise à chaque grossesse dans notre cas.

Après cette annonce, on nous demande de faire le choix le plus difficile que nous ayons eu à faire : soit laisser la grossesse évoluer, en sachant que de toute façon la maladie de notre bébé est déjà en phase terminale à ce stade, qu’il naîtra peut-être vivant mais avec de grosses complications, et que l’issue sera fatale. Ou avoir recours à l’IMG (Interruption Médicale de Grossesse). Ce que nous avons choisi, avec beaucoup de culpabilité et de souffrance. Il s’agit de faire arrêter le cœur du bébé puis de déclencher l’accouchement.

Entre le rendez-vous spécialiste et l’accouchement, il se passe quelques semaines où j’ai le temps de dire au revoir à mon bébé. Il est toujours bien vivant, il bouge comme s’il voulait vivre. Ma maman m’accompagne pour choisir la tenue de naissance, moment très difficile aussi…

J’ai donc accouché le 7 août 2018 de notre petit Mehdi : 2 kilos 425 (ma fille faisait 2 kilos 940 avec 3 semaines d’avance). Je précise ça pour se rendre compte que c’était un bébé en pleine croissance, un magnifique bébé avec tout ce qu’il faut là où il faut, mais avec des reins énormes, pour ainsi dire de la taille de ceux d’un adulte.

« J’entendais les pleurs des bébés qui naissaient en vie, alors que moi je venais de perdre le mien. »

Après la perte, qu’est-ce qui t’a semblé le plus difficile à affronter au quotidien ?

Juste après la naissance, je voulais mon bébé dans mes bras tout de suite, mais on me l’a emmené pour le préparer. Ils ont pris quelques photos, ses empreintes, et lui ont passé les petits vêtements que j’avais choisis. Puis nous avons passé un moment avec lui, mon mari et nous avons fait des photos aussi.

La nuit même après mon accouchement, j’étais dans le même couloir que toutes les autres mamans et j’entendais les pleurs des bébés qui naissaient en vie, alors que moi je venais de perdre le mien. C’était horrible. Je suis rentrée chez moi dès le lendemain.

Tout me semblait difficile : je ne voulais voir personne. Rentrer sans son bébé, voir ses affaires, la poussette qu’on venait d’acheter… je n’avais plus goût à rien.

Qu’est-ce qui t’a le plus manqué (repères, informations, soutien, présence…) ?

Au moment d’accoucher, j’avais l’impression de passer au second plan. Déjà, la péridurale ne fonctionnait pas. Je leur ai même dit : “Vous faites exprès, il n’y a pas de produit dans votre truc !” J’étais en colère… Et en effet, il y avait une fuite de produit. Bon, ce n’était pas exprès, mais j’avais vraiment ce ressenti. Puisqu’en plus mon bébé allait naître sans vie, une autre maman accouchait au même moment que moi, et on m’a laissé accoucher avec juste une étudiante, qui était adorable, mais j’ai bien senti qu’on se fichait de moi.
C’était mon choix de ne faire venir personne à mes côtés à part mon mari ce jour-là, mais je regrette un peu, car je me suis sentie abandonnée ensuite

Certaines personnes ont manqué de tact, comme mon cousin, qui attendait un bébé au même moment que moi. Peu de temps après mon drame, je reçois son faire-part de naissance. J’aurais préféré qu’il le donne à ma maman, ou même pas du tout. J’aurais préféré qu’on me l’annonce gentiment. Il n’y avait même pas un mot pour accompagner ; j’aurais peut-être mieux apprécié.

Et aussi, à mon retour au travail, je ne peux pas leur en vouloir, mais une collègue est venue présenter son bébé… Cela a été difficile pour moi, surtout d’entendre les questions autour. Bref.

Dans cette période tellement fragile, qu’est-ce qui t’a fait du bien dans ton entourage… et qu’est-ce qui t’a manqué ?

Tous les mots, les soutiens de ma famille, de mes collègues. Les personnes qui m’ont écoutée, qui faisaient vivre en quelque sorte mon bébé.

Mon mari m’a fait énormément de bien et a été un réel soutien malgré sa propre souffrance. J’en suis retombée amoureuse le jour de mon accouchement tellement il a été comme il fallait ❤️
A mon retour au travail, j’ai eu la chance de retrouver ma place à côté de ma petite collègue, qui m’a écoutée bien des fois… j’ai pleuré bien des fois, mais elle était là, attentive. Elle a été d’une grande aide sans s’en rendre compte.

deuil périnatal

Ta résilience, ta reconstruction

Quel a été ton tout premier pas vers la reconstruction ?

J’ai parcouru des forums sur les mamanges : je passais des journées entières à lire des témoignages, et j’ai réalisé que je n’étais pas seule. Je n’ai pas voulu être suivie psychologiquement, je n’en éprouvais pas le besoin. Mais ce n’était peut-être pas une bonne chose.

Quelles ressources t’ont aidée à tenir (personnes, activités, thérapies, rituels, habitudes…) ?

J’ai préféré me tourner vers des soins énergétiques qui m’ont vraiment fait du bien.

Y a-t-il eu un moment où tu t’es sentie reconnectée à la vie, même juste un instant ?

Je vais paraître un peu folle, mais je me suis réfugiée dans la nature. J’y ai vu des signes : des oiseaux, des papillons, le soleil qui réapparaît au moment où j’ai une pensée pour mon tout petit. Toujours d’ailleurs.
Et puis, ma plus grande force, c’était le retour de mes enfants. On n’a pas le choix : il faut bien continuer à vivre.

Comment cette épreuve a-t-elle transformé ta manière de voir l’avenir ?

Bizarrement, après ça, je me suis sentie hyper forte : il n’y a rien de pire qui puisse arriver, du coup il faut croquer la vie à pleines dents.

As-tu ressenti la peur d’une nouvelle grossesse, ou de revivre un drame ?

Oui évidemment, j’ai ressenti la peur d’une nouvelle grossesse. Mais c’était viscéral : j’ai eu tout de suite envie de réessayer d’avoir un enfant malgré la peur de revivre tout ça. C’est ce qui m’a raccrochée à la vie d’ailleurs.
Mais malheureusement, j’ai encore fait 4 fausses couches après cela… Aujourd’hui, j’ai fait le deuil de devenir maman une nouvelle fois, mais un jour j’aurai des petits-enfants, j’espère en tout cas !

Que t’a révélé cette épreuve sur toi, sur ta force ?

Je suis encore plus forte que ce que je pensais. Ma force, ce sont les gens que j’aime. Et mon sourire, ma joie de vivre : personne ne peut m’enlever ça. Et il y a toujours pire dans la vie 🙏

Avec le recul

Si tu pouvais parler à la femme que tu étais au début de cette épreuve, que lui dirais-tu ?

Tout te semble difficile et injuste, mais la vie est belle malgré tout. Accroche-toi. On a besoin de toi, on t’aime… et tu as encore beaucoup de choses à vivre.

À quel moment t’es-tu sentie fière de toi pour la première fois après ce que tu avais traversé ?

J’ai été fière de moi quand j’ai pris la décision de reprendre le travail et d’écourter mon congé parental. J’ai repris en novembre alors que j’aurais pu rester chez moi jusqu’en février.

Quelle petite victoire, même discrète, te montre aujourd’hui que la vie a repris une place en toi ?

En fait, la vie n’a jamais vraiment cessé de prendre place en moi. Ma force, c’est ma bonne humeur : rire, blaguer, chanter, danser… même dans les moments les plus sombres.
Et depuis la perte de mon frère l’année suivante, je me dis que mon petit est avec lui, lui qui n’a jamais eu d’enfants… ça m’apaise de penser ça.

Que voudrais-tu dire à une personne qui traverse actuellement un deuil périnatal ?

Je dirais de tenir bon : la vie est belle malgré tout et elle est faite de belles surprises. Ce n’est pas parce qu’on a perdu un être cher qu’on doit s’éteindre et passer sa vie à être triste. C’est dur, c’est horrible, mais au contraire : vivez, riez, pour ceux qui n’ont pas eu la chance de vivre.

À travers son deuil périnatal, Magalie nous montre que la résilience est un pilier de la reconstruction. Elle permet de retrouver de la lumière là où il n’y en avait plus, et de reprendre goût à la vie.

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